Augmenter le salaire... mais TOUT le salaire !

31/03/2022     GROUPE SYNDICALISME

    Augmenter le salaire... mais TOUT le salaire !

    On revendique souvent une augmentation des salaires. Mais le salaire, c’est bien plus que le salaire net qui figure en bas de la fiche de paie et arrive dans les poches à la fin du mois… visite guidée de tous les aspects méconnus du salaire !

    Vous avez dit salaireS ?

    Le salaire, ça n’a pas toujours existé. Aux débuts du capitalisme, il n’y avait pas encore de salaire : ce sont les luttes ouvrières qui vont faire apparaître le salariat au XIXe siècle, jusqu’à l’institution du contrat de travail au début du XXe siècle. Ensuite, les grèves vont permettre d’instaurer de nouvelles formes de salaires, toujours plus déconnectées de l’activité concrète des salarié·es - des salaires de plus en plus émancipateurs, en somme. Lorsque ce rapport de force est en notre défaveur, comme maintenant, ces formes de salaires sont attaquées de toutes parts.

    Type de salaire Apparition historique Aujourd’hui Qu’en dire ?
    Cas limite : revenu de l’indépendant·e (ce n’est pas formellement un salaire) Antérieur au salariat moderne Tout le travail indépendant classique, les auto-entrepreneur·ses, mais aussi le faux-salariat (livreur, salariat déguisé…) Forme archaïque de rémunération d’un point de vue salarial. Dépendance au client·e, ou au donneur·se d’ordre. Faiblesse des droits au “salaire”. Les indépendant·es devraient s’allier avec les salarié·es pour conquérir des droits au salaire, notamment au salaire socialisé (retraite, chômage, assurance maladie…).
    Paiement à la tâche Prémisse du salariat, XIXe siècle Partie de la rémunération sous forme de prime dans certaines professions (en fonction d’un nombre de ventes, de contrat signé, d’une performance…) Le salaire est lié à la production de la personne mesurée par une quantité produite (charbon, pomme, nombre de ventes, de contrats…). Cette forme de paiement revient aujourd’hui sous la forme des primes de performance, de productivité… C’est la forme qui domine idéologiquement le travail : les salarié·es pensent que le salaire correspond à la mesure de leur production.
    Salaire fixé par un contrat de travail, puis mensualisé Fin du XIXe, début du XXe avec l’apparition du code du travail (1910), généralisation de la mensualisation (1970) Il existe des salarié·es du privé qui n’ont pas de convention collective, c’est donc le seul droit du travail qui s’applique pour elles et eux La mensualisation vient séparer le salaire de l’activité concrète quotidienne. Le contrat de travail donne des droits au salarié·e et limite le pouvoir de l’employeur.
    Salaire mensualisé avec une convention collective ou salaire à la qualification du poste Loi sur les conventions collectives (1919), mais il faut la mobilisation syndicale pour qu’elles deviennent effectives (1936) Quasiment tou·tes les salarié·es du privé Le salaire ne dépend plus de la production, mais du poste de travail négocié avec les syndicats. Le salaire n’est plus une mesure de la production. Il est une reconnaissance de la production du poste. Grande variabilité des conventions collectives en fonction de l’action syndicale.
    Salaire du fonctionnaire territorial ou du fonctionnaire hospitalier 1952, 1955 puis 1984 suite aux lois de décentralisation Environ 1,5 millions de fonctionnaires territoriaux et environ 800 000 fonctionnaires hospitaliers Le salaire est bien lié à la personne, mais la proximité de l’employeur restreint la liberté du salarié·e.
    Salaire du fonctionnaire d’État ou salaire à la qualification de la personne 1946 puis 1983-1984 Environ 1,8 millions de fonctionnaires d’Etat Le salaire le plus émancipateur, car attaché à la personne : il ne peut être perdu, ni baissé. Le financement par socialisation massive (trésor public) et l’éloignement voire l’effacement de la figure de l’employeur sont des avantages pour les salarié·es, par rapport aux salarié·e du privé. C’est pourquoi il faut étendre ce statut, notamment dans les secteurs où une partie des travailleurs et travailleuses en bénéficient déjà : éducation, petite enfance…

    TOUT le salaire !

    La défense du salaire ne doit pas viser le seul salaire net. C’est bien l’ensemble du salaire, net ET cotisations salariales ET cotisations patronales, qu’il faut augmenter et politiser :

    • Les pensions de retraite, trop basses et qui placent nombre de retraité·es dans la pauvreté. Rappelons que Macron et d’autres candidat·es prévoient déjà une réforme venant réduire les retraites pour 2022…
    • L’assurance maladie : la cotisation maladie vient reconnaître le travail des soignant·es. L’hôpital crève aujourd’hui du manque de moyens : il faut y remédier en augmentant cette cotisation.
    • L’assurance chômage : les réformes successives ont renforcé le poids de l’État et du patronat dans sa gestion, et ont baissé fortement les allocations perçues.
    • La CAF : pour ne prendre qu’un exemple, les allocations familiales pour une famille de deux enfants sont passées de 400€ en 1946 à 150€ aujourd’hui.

    Le patronat veut bien augmenter le net… mais à condition de faire baisser le brut. C’est par exemple Zemmour qui propose un treizième mois à tous les salariés au SMIC de France… en échange d’une baisse des “charges”… qui ne sont rien d’autre que le salaire des soignant·es, retraité·es ou chômeurs et chômeuses !

    Leur idéal, c’est un monde où les salarié·es gèrent alors individuellement leur retraite, leur santé, leurs prestations liées à la famille, leur chômage. Les salarié·es s’éloignent alors d’une classe gérant des parties importantes de l’économie.

    Supprimer/baisser les cotisations c’est :

    • simplement ne plus assurer ou diminuer certaines prestations, ce qui appauvrira des personnes ;
    • remplacer les cotisations par de l’impôt, ce qui les place sous le contrôle de l’État. Cela empêche la constitution d’une classe salariale et vient recouvrir la lutte des classes par l’illusion du “débat citoyen”.

    Les cotisations doivent au contraire être étendues et augmentées pour :

    • garantir un niveau de prestations élevé ;
    • financer la production pertinente pour les travailleurs et travailleuses (comme dans la fonction publique hospitalière ou encore dans une future sécurité sociale de l’alimentation, sécurité sociale de la culture…). Cette production finançant à la fois les salaires et l’investissement.