Les super riches de Londres
À Londres, les super riches « feraient vivre » 30 000 personnes.
Ah bon ! Et si c’était le contraire ?
France 2 a diffusé lors de son journal télévisé de 20h du 22 avril 2013 un sujet sur « les super riches à Londres ». Ces super riches en provenance de Russie, Chine, Moyen-Orient achètent hôtels, voitures, avions, bijoux et autres produits de luxe, ce qui fait dire au commentateur qu’ainsi ils « feraient vivre » environ 30 000 personnes à Londres. Le raisonnement est le suivant : les super riches, par leur consommation et leurs investissements, « donnent du travail » à des milliers de personnes qu’ils font donc vivre, puisque faute de ce travail ces gens n’auraient pas de revenu.
Examinons les choses d’un peu plus près.
Que produisent ces 30 000 personnes ? Que ce soit le chauffeur du reportage (qui produit un service directement consommé par le propriétaire de la voiture), ou quelqu’un qui travaille à la production de la voiture elle-même (production de biens de consommation), ou encore quelqu’un qui travaille à produire les robots (biens d’investissements) qui servent à la fabrication du véhicule, tous produisent tout à la fois des valeurs d’usage et de la valeur économique à destination exclusive de leurs clients. Ils reçoivent en paiement de cette production de valeur de la monnaie, que leurs clients n’ont pu obtenir par leur travail, leurs revenus étant sans commune mesure avec la valeur que peut produire un individu tout seul. Ces riches clients paient avec une monnaie qu’ils viennent de ponctionner sur la valeur produite par les salariés des entreprises de leurs portefeuilles de titres, au nom de leur droit de propriété lucrative. C’est au nom de ces mêmes droits qu’ils sont en mesure de décider que ces 30 000 personnes leur fabriqueront des jets privés, les transporteront dans des voitures de luxe etc., et occuperont les emplois ainsi censés les « faire vivre ». Pour schématiser : ces « super riches » achètent des sacs Vuitton, qu’en tant qu’actionnaires de LVMH ils décident de faire produire dans le cadre d’emplois qu’ils déterminent, par des gens soumis au chantage : pas d’emploi, pas de salaire. Parallèlement ils récupèrent une partie de la valeur des sacs sous forme de dividendes prélevés sur le produit du travail de ces salariés au nom de leur droit de propriété lucrative, et prélèvent au nom de ce même droit, sur le reste de l’économie la monnaie qu’ils distribueront à l’occasion des emplois qu’ils auront soit disant « créés ».
Mais de quoi alors peuvent bien vivre ces 30 000 personnes, puisqu’elles ne seront jamais les consommatrices de ce qu’elles produisent ? Eh bien elles vivent de ce qu’ont produit tous les autres salariés, car les biens et services qu’elles achètent ne peuvent en effet provenir que de la production courante du « reste de l’économie » !
Résumons nous : ce sont donc bien 30 000 personnes qui font vivre une poignée de « super riches » et non l’inverse !
Le travail de ces 30 000 personnes au service des seuls « super riches » est donc parfaitement inutile pour l’immense majorité de la population mais entretien une prédation légale moyennant deux institutions centrales : le droit de propriété lucrative et le marché du travail.
Nous pouvons donc nous passer de cette sphère prédatrice en rendant ces deux institutions inutiles.
C’est ce que permet la cotisation sociale que nous pouvons élargir dans deux directions :
En instaurant d’une part une cotisation investissement qui, prélevée sur la valeur ajoutée de chaque entreprise, alimente une caisse d’investissements finançant les projets d’investissement sans accumulation financière, sans intérêts et sans remboursement.
En instaurant d’autre part une cotisation salaire, prélevée également sur la valeur ajoutée des entreprises qui dès lors n’ont plus à payer directement leur salariés, ceux‑ci ayant un salaire à vie financé par une caisse de salaire.
Or non seulement cette solution ne nous vient pas « spontanément » à l’idée, mais même une fois énoncée, elle nous paraît « impensable », pourquoi ? Parce que nous persistons à adhérer au récit dominant, et avons le plus grand mal à lire l’évolution du salariat tout au long du 20ème siècle comme la conquête d’institutions (qualification, conventions collectives, droit du travail, retraites, statut des fonctionnaires, cotisation sociale etc.) contenant un potentiel émancipateur, qui dans le « déjà‑là » de la réalité sociale, nous ouvre la possibilité d’échapper au sort de force de travail condamnée à se louer sur le marché du travail, sous la coupe des actionnaires et des prêteurs.
C’est donc à cette remise en cause du récit dominant qu’il nous faut nous atteler, faute de quoi nous serons condamnés à rester sur la défensive.
L’instauration du salaire universel, c’est à dire pour tous : dès la majorité, irrévocable, à vie et ne pouvant que progresser, et pour tout : rendant la propriété d’usage des moyens de production aux producteurs que nous sommes et finançant l’investissement, permettant ainsi à ces 30 000 personnes (dans notre exemple, mais à nous tous en réalité) de dire à ces « super riches » : « non, nous ne travaillerons plus pour vous, nous allons arrêter de vous faire vivre et reprendre en main nos affaires car nous n’avons pas besoin de vous ».