Éloge de la cotisation sociale contre l'impôt

15/06/2012     CHRISTINE JAKSE

    Éloge de la cotisation sociale contre l'impôt

    Rêve démocratique : débat dans l’agora

    Le débat a lieu devant le peuple, sur la place publique de la cité. Il intervient entre deux personnages, Péketo Samoth (PS) et Réso Salaria (RS). Le premier défend la fiscalisation de la sécurité sociale, la seconde la cotisation sociale. Un troisième personnage aurait pu se mêler au débat : Umberto Modani‑Perra (UMP). Comme Péketo, il propose de financer la sécurité sociale par la fiscalité, sauf que UMP propose une taxe indirecte (la TVA « sociale ») et Péketo un impôt direct progressif (la CSG fusionnée avec l’impôt sur le revenu). Le problème est le même, à ceci près que la taxe indirecte est plus injuste que l’impôt direct puisqu’elle s’applique indifféremment à tous, quel que soit le niveau des ressources. UMP n’étant plus au pouvoir, la contradiction se situe donc désormais entre Réso Salaria et Péketo Samoth, maintenant au pouvoir. L’impôt direct sera une Contribution Sociale Généralisée rénovée (CSG).

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    Péketo Samoth : Vous vantez les mérites de la cotisation sociale avec acharnement. Pourtant l’impôt est une formidable invention, s’il est équitable évidemment, c’est-à-dire s’il prend en compte le niveau et la nature des revenus. C’est ce que je propose avec ma CSG. Elle est idéale pour financer nos besoins universels. L’impôt finance déjà nos services publics, c’est-à-dire nos fonctionnaires. Ça pourrait être le cas pour la santé et la famille, qu’il serait délicat de laisser entre les mains d’actionnaires …

    Réso Salaria : Certes, l’impôt est une institution importante qui offre apparemment une alternative au système capitaliste, puisque le service public n’a pas à être rentable. Mais, vous parlez de besoins qui seraient par nature universels. Arrêtons‑nous déjà sur cette affirmation. Eclairez‑moi à ce sujet, car vous appuyez constamment votre argumentation sur ce caractère universel du besoin pour justifier un financement par la fiscalité. Expliquez‑moi, je vous en conjure, en quoi certains besoins seraient universels, et en quoi ces besoins universels justifieraient un financement par l’impôt plutôt que par la cotisation sociale.

    PS : C’est pourtant simple. Trouvez‑vous juste de ne pas pouvoir payer votre médecin ou vos médicaments si vous tombez malade, parce que vous n’en avez pas les moyens ? Trouvez‑vous juste que la personne qui n’a pas d’enfant ne donne pas un peu de son salaire pour aider une famille ? L’impôt règle le problème : grâce à lui, le malade, qu’il soit riche ou pauvre, reçoit la somme nécessaire pour faire face aux frais de sa maladie et pour payer son médecin ; le parent, avec son allocation peut ainsi assumer des frais d’éducation de son enfant. C’est le principe même du service public, même si, avec la CSG, les choses se passeraient en deux temps, comme aujourd’hui : le malade paie et se fait rembourser. Il ne verra d’ailleurs même pas que l’argent du remboursement est de source fiscale et plus issu de la cotisation sociale. Il n’en a d’ailleurs que faire. Et, …

    RS : … Pardonnez‑moi, mais avant d’aller plus loin, confirmez‑moi que j’ai bien compris votre pensée. Les besoins que vous citez sont universels car la maladie ou l’enfant génère, selon vous, une inégalité de frais injuste.

    PS : C’est exact.

    RS : Mais, à la limite, tous les besoins sont universels. Boire, manger, se soigner, se loger, se déplacer, pouvoir élever ses enfants etc. sont des besoins universels, n’est‑ce pas ? Tout le monde y est confronté et il n’y a pas de raison que certains, riches, puissent les assouvir, tandis que d’autres, pauvres, ne le puissent pas. Et puisque l’universalité, selon vous, est liée à la fiscalisation, tout devrait être fiscalisé.

    PS : Vous êtes impatiente, je n’avais pas fini ma démonstration. Tous les besoins ne sont pas universels. La santé et la famille le sont. Pas la retraite ni le chômage, qui sont des risques professionnels. Trouvez‑vous juste de payer un retraité de façon identique s’il n’a pas travaillé, par rapport à un retraité qui a travaillé toute sa vie ? Trouvez‑vous juste de payer pareillement un chômeur qui a travaillé et un chômeur qui n’a pas travaillé ? Moi, j’estime que les deux situations ne sont pas comparables : c’est pourquoi, je finance celui qui a travaillé par la cotisation sociale et celui qui n’a pas travaillé, par un forfait fiscalisé ; le premier mérite une prestation tirée des revenus de l’activité en proportion de son salaire, l’autre un forfait minimum au nom de la solidarité nationale.

    RS : Vous n’avez pas totalement répondu à ma première objection – en quoi l’universalité supposée justifie la fiscalité -. Mais votre nouvel exemple ajoute de la confusion. Vous passez des inégalités injustes aux inégalités justes et du service public pour tous à l’assistance pour les personnes‑qui‑ne‑travaillent‑pas, ce que vous appelez la solidarité nationale. D’ailleurs, votre distinction a des limites car même pour les besoins que vous qualifiez d’universels, par exemple la santé, vous avez mis en place un minimum fiscalisé, la CMU … Mais restons‑en à vos risques professionnels. Vous dites : si j’ai travaillé, j’ai droit à une retraite ou à une indemnité chômage financée par la cotisation sociale et si je n’ai pas travaillé, j’ai droit à une retraite ou une indemnité chômage a minima financée par l’impôt. Donc, non seulement, il y aurait des risques universels qui répondraient à des situations que vous jugez inégales et injustes, à financer par l’impôt, mais en plus il y aurait des situations – non plus des besoins - non universelles, donc professionnelles, qui seraient inégales mais justes ?

    PS : Votre reformulation est correcte.

    RS : Alors, je dis que vous avez intériorisé sans broncher les catégories du capitalisme. Car vous affirmez que la grand‑mère de 90 ans qui reçoit son minimum retraite, n’a pas travaillé alors qu’elle a consacré l’essentiel de sa vie à éduquer ses enfants et petits‑enfants et à cultiver son jardin. Expliquez‑moi en quoi la retraite de la vieille dame serait moins méritée, pour reprendre votre catégorie, que celle de l’ouvrier de l’automobile ? Quand je dis que vous avez intériorisé les catégories du capitalisme, je veux dire que vous ne considérez le travail que s’il est passé par le marché du travail, c’est-à-dire le seul travail réalisé dans le cadre d’un emploi, donc reconnu par le capital. Quant au chômeur, mais ceci serait valable pour le retraité, en quoi sa situation est‑elle juste ? Pourquoi ne proposez‑vous pas de financer son indemnité sur la durée de son chômage et non pas en fonction du fait qu’il ait travaillé ou non dans l’emploi, encore une fois, au sens du capital ? Non vraiment, vos distinctions entre universel ou pas, et entre méritoire ou pas, ne sont pas convaincantes car elles restent ancrées dans les catégories du capitalisme. Mais là n’est pas l’essentiel : car même en me persuadant de la justesse de votre sens de la justice, expliquez‑moi en quoi la solution fiscale fonctionnerait‑elle mieux que la solution « cotisation sociale » ? Car, si l’on s’en tient au strict plan comptable, c’est-à-dire en masse monétaire collectée, avec un niveau de prestations identique, impôt ou cotisation, ça ne change rien à l’affaire.

    PS : Votre dernière remarque m’amène à en conclure qu’il importe peu que nous soyons d’accord ou non sur des inégalités de besoins que j’estime injustes, à universaliser, ou sur des inégalités que je qualifie de justes, à ne pas universaliser. J’en déduis donc qu’il vous est finalement indifférent de privilégier l’impôt ou la cotisation sociale pour financer ces situations. D’autant que, si je vous entends bien, vous voyez vous‑même dans l’impôt une alternative au système capitaliste ! Alors, notre débat n’a pas lieu de se poursuivre !

    RS : Détrompez‑vous car l’essentiel de notre opposition n’a pas encore été abordé, nous n’en sommes qu’à l’amuse‑gueule, si vous m’accordez cette métaphore culinaire. Laissons de côté pour l’instant l’universel, le professionnel, le juste et l’injuste, bref la moralité qui légitime vos choix, le placébo qui justifie vos décisions. Quand je dis que l’impôt est une alternative au système capitaliste, ce n’est pas pour les mêmes raisons que vous. C’est parce que je vois, à travers les fonctionnaires et la fonction publique, la preuve que l’on peut produire sans se trouver aliéné par le marché du travail. Ceci, parce que le fonctionnaire est payé à vie, sans jamais régresser, grâce à son grade, qui lui est personnel. Il ne peut que progresser, sans jamais connaître le désastre du chômage. L’une des raisons de l’aliénation du salarié du privé tient dans ce que c’est son poste qui est qualifié, pas sa personne, contrairement au fonctionnaire. C’est pourquoi d’ailleurs, je propose que le salarié du secteur privé soit porteur, lui aussi, d’une qualification personnelle.

    PS : Décidément je ne vous comprends plus. Vous vantez désormais les vertus de la fiscalité qui nous permet d’avoir des services gratuits, accessibles à tous et des fonctionnaires non aliénés, pour reprendre votre expression. Vos raisons ne sont, certes pas les miennes, mais enfin, convenez que l’impôt est bien supérieur à la cotisation sociale comme correctif des inégalités que produit le système capitaliste et admettez que la cotisation sociale pèse sur les revenus d’activité, ce qui est fort ennuyeux pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

    RS : Nous entamons là l’entrée de notre repas … Le salaire est bien autre chose que du pouvoir d’achat, mais laissons cela pour l’instant et concentrons‑nous sur votre premier argument : les charges qui pèsent sur le travail, argument souvent avancé sans que la question suivante ne vous soit jamais posée : pouvez‑vous m’expliquer quels revenus ne sont pas le fruit de l’activité ? Aucun bien sûr. Vous feignez de ne pas voir que toute ressource monétaire est toujours le fruit de ce que vous appelez l’activité, c’est-à-dire du travail : votre impôt le sera tout autant. Comme le sont aussi les profits, donc les dividendes ! Ce n’est pas la cotisation sociale qui pèse sur les revenus de l’activité, pas moins que votre impôt ne pèsera sur ces revenus. Ce qui pèse sur les revenus d’activité, ce sont les dividendes et heureusement, la cotisation sociale est là pour les réduire !

    PS : Comment pouvez‑vous nier que la cotisation sociale salariale ne mord pas sur le salaire du travailleur, puisqu’elle vient en déduction du salaire brut, laissant au salarié son seul salaire net ! Et tandis que je veux réduire les revenus du capital avec mon impôt, votre cotisation patronale pèse sur les investissements puisque, vous le dites vous‑même, il réduit le profit !

    RS : En quoi votre impôt, qui sera forcément prélevé à un moment sur la valeur ajoutée, d’où toute somme provient, pèsera‑t-il moins que la cotisation sociale sur les salaires, sur les revenus des indépendants – c’est-à-dire sur les revenus d’activité - et sur les profits ? Vous savez comme moi qu’il ne faut pas confondre le mode de calcul et la base de prélèvement. Les taux de cotisation sociale sont certes un pourcentage du salaire brut – c’est le mode de calcul -, mais la cotisation patronale, qui constitue aujourd’hui 75% de la cotisation totale collectée est prise sur le profit, pas sur les salaires. Je vous rappelle que la CSG actuellement prélevée, l’est à 90% sur les revenus des ménages et 10% sur le capital …

    PS : Et bien, vous le dites vous‑même : votre cotisation sociale ponctionne essentiellement le profit, donc l’investissement. Avec mon impôt, j’aurai réussi à inciter nos entreprises à investir, elles ne cessent de se plaindre à juste titre de charges trop lourdes.

    RS : Laissez‑moi vous rappeler que depuis quinze ans, tous les taux de cotisation patronale, qu’il s’agisse de la vieillesse, de la maladie, de la famille ou du chômage, sont gelés et pourtant, sur la même période, l’investissement recule.

    PS : Je constate néanmoins que nous sommes toujours d’accord sur le même point : vous en convenez vous‑même, il est indifférent que la même somme soit prélevée sous forme d’impôt ou sous forme de cotisation sociale pourvu que la somme soit équivalente.

    RS : La nature du prélèvement n’est pas indifférent et à ce stade, nous en sommes au point mort : en résumé, vous ne m’avez toujours pas démontré en quoi tel besoin serait universel et en quoi il justifierait, dans ce cas, le recours à l’impôt plutôt qu’à la cotisation sociale. Vous ne m’avez pas démontré en quoi l’impôt ne pèserait pas sur les revenus d’activité tout en ne pesant pas sur le profit, qui irait à l’investissement. Vous ne m’avez pas démontré en quoi, en volume, il y aurait une différence entre prélever sous forme d’impôt ou sous forme de cotisation sociale, la base du prélèvement étant la même : la valeur ajoutée, qui constitue la valeur monétaire de ce que produisent les salariés et les indépendants. Le mystère reste donc entier : où est la supériorité de l’impôt sur la cotisation sociale ?

    PS : Vous avez beau jeu de me tacler, car, de votre côté, vous ne m’avez toujours pas démontré la supériorité de la cotisation sociale sur l’impôt ! La supériorité de l’impôt sur la cotisation sociale, je vais vous la livrer : avec mon slogan « à revenu égal, impôt égal », je prélève plus sur les riches, moins sur les moins aisés et pas sur les plus pauvres. Et, vous ne pouvez pas nier combien les inégalités sont grandes et se sont approfondies ces dernières années entre les riches et les pauvres, entre petites et grandes entreprises.

    RS : Nous y voilà enfin, c’est ici le fond de l’affaire. Le plat de résistance, en quelques sortes. Et c’est ici que je vais commencer à vous expliquer, à mon tour, la supériorité de la cotisation sociale sur l’impôt. Comme votre grande préoccupation est la justice sociale, vous raisonnez en termes de riches et de moins riches, de petites et de grandes entreprises, dont les inégalités se sont approfondies, ce que  je ne conteste pas.

    PS : - Et bien, vous voyez, vous finissez par vous rendre à l’évidence !

    RS : - Laissez‑moi poursuivre car le fossé qui nous sépare est grand. Il tient dans le fait que je raisonne en termes d’institutions du capital et d’institutions du salariat, pas vous. Je m’explique. Vous n’ignorez pas que la cotisation sociale est tirée directement de la valeur ajoutée, comme les salaires du secteur privé et le profit, alors que l’impôt est pris indirectement sur la valeur ajoutée. Autrement dit, pour prélever un impôt, il faut que la valeur créée dans l’année, la valeur ajoutée, soit d’abord répartie entre salaire et profit. Votre impôt sera donc forcément un impôt sur les salaires et sur les profits, même indirectement, par exemple à travers l’impôt sur le patrimoine ou sur les plus‑values. Pour bien me faire comprendre, poussons plus loin votre scenario. Imaginons que l’impôt remplace totalement la cotisation sociale, qui disparait. La première répartition de la valeur ajoutée ne sépare plus que les salaires et le profit. Nous voici en présence de deux institutions fortes du capitalisme. La seule capable de les repousser, la cotisation sociale, a disparu. Vous voyez d’ailleurs qu’avec votre raisonnement, nous changeons de mots, nous ne sommes plus sur le même terrain : tandis que je parle de salaire et de capital et surtout de cotisation sociale, vous parlez de ménages et d’entreprises. Vous sortez du conflit interne au capitalisme, parce que vous acceptez ce système et ses institutions, jusqu’à les conforter.

    PS : Voilà vos vieux démons idéologiques faire surface et j’ai bien du mal à suivre votre logique ! Que l’on prélève directement ou indirectement la valeur ajoutée, la belle affaire ! L’impôt légitime ce que vous appelez les institutions du capital. Arrêtons‑nous sur la première, le profit. Le profit investi ne pose aucun problème, au contraire, il assure notre compétitivité ; ce sont les dividendes qui sont injustes …

    RS : … injuste, dites‑vous ? Mais, ce n’est pas la question : en imposant les dividendes, vous les légitimez et avec eux, le capitalisme !

    PS : Ne m’interrompez‑pas, s’il vous plait. Les dividendes sont injustes mais précisément, avec mon impôt progressif, je décourage les dividendes, la spéculation, et j’encourage l’investissement et l’emploi. L’entrepreneur, au lieu de payer des actionnaires qui n’investissent pas, choisira d’améliorer l’outil de production ou de recruter.

    RS : Si tant‑est que l’entrepreneur puisse faire des choix d’investissement ou d’emploi … ce dont je doute, les actionnaires sont omnipotents. Mais le problème ne se loge pas là. La cotisation sociale, prise immédiatement sur la valeur ajoutée, diminue le profit. Je ne conteste pas la nécessité d’investir. Il faut donc trouver une solution pour l’investissement et je vais bientôt vous la donner, soyez patient. Ensuite, la cotisation sociale diminue le salaire dans le secteur privé, et fait donc reculer le marché du travail, ce dont je me satisfais. Trouver une autre solution sur ce point est aussi ...

    PS : … mais enfin, madame, comment pouvez‑vous, femme de gauche, approuver une telle amputation du salaire et considérer le salaire comme une « institution du capital », comme vous dites ?

    RS : J’ai tenté de vous l’expliquer tout à l’heure, mais vous ne m’avez pas laissée finir. Ce n’est pas seulement le profit qui est une institution du capitalisme, c’est aussi le marché du travail. Ne voyez‑vous pas combien le capitalisme transforme le salarié en ressource humaine, en marchandise, en employable, en capital humain, sur un marché du travail, dont il faut prendre l’expression au pied de la lettre ? Ne voyez‑vous pas que le capitalisme cultive le marché du travail, si je puis me permettre cette métaphore, comme il cultive la propriété lucrative ? Avec la cotisation sociale que je fais grossir, j’attaque la racine du capitalisme, l’existence même de ces deux institutions du capital : la propriété lucrative qui alimente le capital, et l’emploi aliéné qui alimente le marché du travail. Sans eux, le capitalisme ne peut survivre.

    PS : - A quand le Grand Soir ?

    RS : Inutile d’ironiser. La solution pour le salaire et pour l’investissement, est simple. Comme pour la retraite, le chômage, la santé, la famille, elle s’appelle cotisation sociale.

    PS : … encore la cotisation sociale ?!

    RS : Je répète, la cotisation sociale immédiatement prise sur la valeur ajoutée fait reculer le profit et le salaire du secteur privé, sans attendre, comme le nécessite l’impôt, d’en passer par le profit et les salaires pour le prélever. Elle est immédiatement transformée en prestations, sans en passer par les marchés financiers. Elle prouve finalement que l’on peut prendre des engagements massifs et sur long terme sans crédit, sans spéculateurs, sans accumulation financière : retraités, soignants, chômeurs, parents reçoivent un salaire. Et voilà venir le dessert, la cerise sur le gâteau : pourquoi ne pas étendre ce modèle aux salaires des travailleurs et à l’investissement ? Toute la valeur ajoutée socialisée, sous forme de cotisation.

    PS : Vous vivez dans l’utopie la plus complète !

    RS : Ne soyez pas condescendant, je vous prie : il y a à peine plus d’un siècle pour les hommes et un demi‑siècle pour les femmes, n’a‑t-on pas inventé le suffrage universel, auquel personne ne croyait ? Et la sécurité sociale, qui aurait pu imaginer qu’elle représente 20% de la valeur créée chaque année, il y a soixante ans quand on l’a inventée ? Voilà mon projet : chaque année, la production donne la valeur ajoutée. Elle se découpe en trois caisses socialisées. Une caisse de sécurité sociale pour la santé, la famille - le chômage n’existera plus si l’on se cale sur le modèle de la fonction publique - et pourquoi pas, pour le logement et le transport, autrement dit les besoins communs ? Ensuite, une caisse pour les salaires des travailleurs dotés d’une qualification personnelle comme c’est déjà le cas pour les salaires des soignants : cette caisse, on pourrait la réserver aussi pour les retraites puisque leur pension est du salaire ; enfin, une caisse d’investissement pour choisir collectivement quoi, où, quand, investir. Plus de capital, plus de crédit. Les producteurs que nous sommes détiennent les pouvoirs de maîtriser l’ensemble de la valeur ajoutée et plus seulement les caisses de sécurité sociale. Dans mon projet, plus de patronat, mais des entrepreneurs, plus de ressources humaines, mais des salariés qualifiés et des décideurs. Je vous invite d’ailleurs à lire ce projet dans son entier, intitulé « Pour un statut politique du producteur », sur le site de réseau salariat, http://www.reseau‑salariat.info.