Les retraités à la conquête de la production
Les retraités sont aujourd’hui considérés comme ne participant d’aucune manière à la production économique. Or en se servant de leurs salaires attachés à leurs personnes, ils/elles sont aux avant-postes de la conquête de la souveraineté des travailleuses et des travailleurs sur la production.
Tout en étant en permanence sous la menace d’une sanction possible (licenciement, déqualification), les travailleurs dans le capitalisme sont interdits de responsabilité. La définition et la pratique de la valeur, et donc du travail productif, sont le monopole de la bourgeoisie : les travailleurs ne décident ni de l’investissement, ni de la localisation de l’outil, ni de son usage, ni des effectifs et des embauches, ni de ce qui est produit, ni de la division internationale dans laquelle s’inscrit leur activité, ni – ficelés qu’ils sont de plus en plus par l’usage capitaliste du numérique – de leur travail concret. On constate cette perte de souveraineté chaque fois qu’une activité devient un travail capitaliste. Cette perte est la cause décisive de ce qu’il est convenu – de façon funeste – de désigner comme « souffrance au travail ». De façon funeste car, en l’inscrivant dans une nosographie vaguement médicale, on naturalise la violence sociale de la séparation des travailleurs d’avec les moyens et objets de leur travail. Non, il n’y a pas plus de « souffrance au travail » que d’« hystérie féminine » ! Le travail, dimension majeure de nos existences, est source de bonheur dès lors que la séparation capitaliste est supprimée. Dès lors, donc, que ce sont les travailleurs, et eux seuls, qui exercent la responsabilité économique de la production.
Tous les débats publics, toutes les mobilisations, dans l’entreprise comme à l’échelle nationale, doivent être soutenus et initiés en vue de la conquête de la maîtrise du travail productif, et c’est d’autant plus urgent que, prise dans la contradiction d’une élimination du travail vivant qui est pourtant la source de la valeur et donc de sa puissance, la bourgeoisie accélère sa folle fuite en avant dans l’impasse anthropologique, écologique et territoriale de l’organisation capitaliste du travail.
Qu’en est-il du débat sur la retraite, si on se place de ce point de vue crucial de la conquête de la souveraineté des travailleurs sur le travail ?
Sortir les retraités du piège de l’irresponsabilité économique revendiquée
La retraite, telle que le capitalisme la pratique comme « fin du travail productif », a ceci de particulièrement pervers que non seulement l’irresponsabilité économique des retraités n’est pas contestée, mais qu’elle est revendiquée ! L’invention d’un temps d’« après le travail » fait que les retraités, exaltés comme utiles mais niés comme productifs, sont confinés dans la marge du bénévolat. Les effets de cette irresponsabilité considérée comme positive sont dévastateurs. Celles et ceux qui vivent mal leur sortie du travail productif, et qui n’ont pas d’espace public pour l’exprimer puisque les retraités sont invités à se réjouir d’être exclus du travail, vont alimenter le projet capitaliste de cumul emploi-retraite au cœur du recul des droits à pension et – je vais y revenir – du positionnement de l’âge comme critère de constitution de l’armée de réserve des travailleurs. Les autres, qui à leur passage en retraite ont réuni famille et amis pour fêter leur « libération du travail », soit s’enferment tout de suite dans un espace privé où s’accélère leur vieillissement social, soit retardent l’échéance en multipliant les activités associatives. Cet activisme est encouragé par l’industrie de la « lutte contre le vieillissement », une notion du même tonneau que la « lutte contre la souffrance au travail », dans laquelle s’inscrivent les mutuelles, les clubs du troisième âge, les maisons de la solidarité et autres institutions de la citoyenneté active que lorgnent les actionnaires des plateformes collaboratives, quand ils ne les ont pas déjà envahies.
Cet activisme est évidemment en échec dans la lutte contre le vieillissement social, car on ne peut pas remplacer l’essentiel, le travail productif, par des ersatz, des activités pour maintenir ses capacités cognitives et ses relations sociales. La valeur anthropologique du travail tient à ses deux dimensions : de travail concret créateur de choses utiles et de travail abstrait créateur de valeur économique. Et une personne qui n’est pas reconnue dans ces deux dimensions est amputée. Amputer quelqu’un de la dimension productive du travail tout en l’incitant à multiplier les activités pour se sentir utile et rester en forme est obscène. C’est la même injonction qui est faite aux chômeurs – avec la même obscénité d’imposer à quelqu’un nié comme productif de se plier à des activités qui vont prétendument améliorer son employabilité ! C’est aussi sur cette base anthropologiquement intenable que s’est construite de toutes pièces, depuis la fin des années 1970, la phase de la vie adulte « d’avant le travail », cette période où entre 18 et 35 ans tant de prétendus « jeunes » « s’insèrent », c’est-à-dire n’ont pas accès au salaire à la qualification de la convention collective ou à la titularisation dans la fonction publique, mais ont l’injonction de multiplier les activités hors droit commun du travail avant d’enfin y accéder, s’ils ne se sont pas dans l’intervalle égarés dans la nature.
« Jeunes » adultes d’avant le travail, « en insertion » ; « vieux » adultes d’après le travail, « en retraite » : la symétrie est saisissante et aide à réfléchir sur le statut du travailleur dans le capitalisme. Les adultes ne peuvent être reconnus comme travailleurs que s’ils entrent dans le bunker du travail dont la clé, qu’il s’agisse de l’embauche sur le marché du travail pour les employés ou de la performance sur le marché des biens et services pour les indépendants, est détenue par la bourgeoisie capitaliste. Et ceux qui peinent à y entrer, comme jeunes en insertion, ou qui en sont sortis, comme chômeurs, comme indépendants en échec ou comme retraités, constituent l’armée de réserve qui fait pression sur ceux qui sont dedans. On notera le rôle décisif de l’âge dans cette affaire : l’âge comme catégorie biographique invoqué légitimement pour exclure du travail productif a pris dans les années 1970 la relève du genre, qui reste bien sûr une clé décisive de la discrimination mais ne peut être invoqué légitimement du fait des combats féministes. La première des choses à faire, si l’on veut faire converger les luttes pour leur reconnaissance comme producteurs des femmes, des ethnicisés, des jeunes, des chômeurs, des retraités, des actifs soumis au chantage à l’emploi ou à la faillite, c’est donc de faire de cette reconnaissance un droit politique, attaché à la personne durant toute sa vie adulte, de la majorité à la mort. De faire de la qualification professionnelle et du salaire, à partir de 18 ans, un droit politique, universel, pouvant progresser et sans possibilité qu’il soit perdu ou réduit.
Or c’est précisément l’enjeu de la prochaine étape de la réforme des retraites.
Les retraités sont-ils des travailleurs ou d’anciens travailleurs ?
Il importe grandement de ne pas se tromper de combat face à la réforme Macron. Elle est dans la stricte continuité de toutes les réformes entreprises depuis qu’en 1987 Seguin a indexé les pensions du régime général sur les prix et qu’en 1991 Rocard a publié son Livre Blanc qui inspire toutes les réformes depuis celle de Balladur en 1993. Qu’elle organise la baisse des pensions ne la différencie pas des précédentes, dont le résultat a été une baisse de plus de dix points du taux de remplacement : quand Delevoye veut limiter la place des pensions à 14% du PIB ou le taux de cotisation à 28% du salaire brut, il fait très exactement la même chose que ses prédécesseurs et se coule dans les projections et les préconisations répétées du Conseil d’orientation des retraites depuis sa création par Jospin il y a près de 20 ans. Que la réforme Macron réduise la solidarité entre les retraités en faisant dépendre la pension de cotisations soumises aux aléas de la carrière ne fait que poursuivre sans l’accélérer une réduction largement organisée depuis trente ans avec l’augmentation des années prises en compte tant pour le salaire de référence que pour la carrière complète : qualifier de « solidaire » le système actuel qui transforme un écart de 25 points des salaires entre hommes et femmes en un écart de 40 points de leur pension de retraite relève de l’imposture. La nouveauté de l’étape annoncée est ailleurs que dans la baisse des pensions et de la solidarité.
Quelle est la situation quand commence la réforme des retraites à la fin des années 1980 ? C’est, dans le conflit séculaire entre la pension comme poursuite du salaire (initiée en 1853 dans la fonction publique) ou comme contrepartie des cotisations (initiée en 1850 par la caisse nationale des retraites), une importante victoire du salaire. La subversion de la sécurité sociale qu’a opérée en 1946 la création d’un régime général unifié, géré par les travailleurs, a étendu le régime de la fonction publique au privé en posant la pension comme le remplacement d’un salaire de référence en fonction des trimestres validés dès lors qu’a été perçu un minimum de rémunération : aucun compte n’est tenu des cotisations versées par l’intéressé. Les retraités ont droit au salaire, ce sont des travailleurs libérés du marché du travail. Ces prémices d’un statut du producteur alternatif à son statut capitaliste sont solides : en 2016, sur les 327 milliards de pensions, 240 étaient calculées sans tenir compte des cotisations versées par les travailleurs concernés.
Contre ce droit au salaire des retraités, le patronat crée dès 1947, pour les cadres (AGIRC), et généralise en 1961 pour tous les salariés du privé (ARRCO), des régimes complémentaires qui posent les retraités comme des inactifs ayant droit au différé de leurs cotisations de carrière, consignées dans un compte. Cette contestation patronale du droit au salaire des retraités n’explique, aujourd’hui encore, que le quart des pensions et en 1990, au moment où a démarré la réforme, le taux de remplacement dans la première pension nette du dernier salaire net pour les salariés à carrière complète nés en 1930 était de 84%1, selon une fourchette allant de 100% pour un dernier salaire égal au Smic à 60% pour un dernier salaire supérieur à 3000 euros, soit une incontestable réussite de l’affirmation du droit au salaire des retraités que le patronat a toujours combattu.
Après trente ans de réforme, Macron estime que le fruit est mûr pour aller au bout des préconisations du patronat : en finir avec le droit au salaire des retraités et le remplacer par le droit au différé de leurs cotisations, organiser le régime général, celui des fonctionnaires, ceux des salariés à statut, sur le modèle de leur contraire, l’ARRCO-AGIRC. C’est depuis Séguin-Rocard l’objectif des réformateurs, et ils ont préparé le terrain avec une grande détermination : indexer les pensions sur les prix, ôter toute signification de « meilleur salaire » au salaire de référence en le calculant sur 25 ans ; centrer le débat sur la durée des cotisations et poser comme légitime le lien entre hausse de l’âge de la retraite et hausse de l’espérance de vie ; distinguer des « prestations non contributives » universelles financées par la CSG du « Fonds de solidarité vieillesse » et des « prestations contributives » calculées en fonction des cotisations et non plus d’un salaire de référence.
Quand aura disparu le droit au salaire des retraités, c’est-à-dire la déconnexion du salaire et de l’emploi et l’attachement du salaire à la personne, alors pourra disparaître le droit au salaire des chômeurs, et pourra disparaître le statut de la fonction publique, qui attache le salaire à la personne du fonctionnaire en le liant au grade et non pas au poste. Alors le salaire à la qualification personnelle, prémices d’un droit politique au salaire pour tous, disparaîtra et entrainera dans sa chute ce qu’il avait dépassé : le salaire à la qualification du poste tel que le définissent les conventions collectives. Ces immenses conquêtes du salaire à la qualification seront remplacées par un mixte de revenu universel de base et de retour à la rémunération à la tâche ouvrant des droits consignés dans un compte personnel d’activité dont les points de retraite seront l’élément décisif. La réalisation de ce cauchemar est à la portée de la classe dirigeante si nous n’engageons pas, sur tous ces terrains, la bataille du droit au salaire comme droit de la personne, comme droit politique, en nous appuyant, pour le généraliser, sur le déjà-là considérable conquis par les luttes du siècle passé.
Qu’est-ce qu’une telle généralisation signifie en matière de retraite ?
Des retraités titulaires de leur salaire à 50 ans et responsables de l’auto-organisation des travailleurs
La retraite a été conquise comme droit au salaire continué pour les retraités. Mais avec deux limites qu’il faut aujourd’hui dépasser. D’une part, ce salaire ne peut plus progresser. D’autre part, le remplacement du salaire de référence est fonction de la durée de carrière. Le droit des retraités au salaire continué est en effet en référence à une durée d’activité qui alimente peu ou prou l’idéologie des « prestations contributives » et nie que les retraités soient des travailleurs dont la pension exprime l’actualité et non le passé de leur contribution à la production de valeur. C’est ce point décisif qu’il faut assumer de manière très délibérée, davantage que ne l’ont fait celles et ceux qui ont construit les régimes dans un relatif impensé du salaire continué qu’ils mettaient en place.
Jusqu’aux années 1980, la retraite, pour la CGT, c’est 55 ans (et 50 pour les métiers pénibles). Ensuite, on a vu l’âge revendiqué reculer. Or pour assumer le droit au salaire lié à la personne, qui est constitutif de la pension de retraite, il faut nettement en avancer l’âge, car l’âge critique du point de vue de l’emploi n’est pas 60 ans, c’est bien avant. 50 ans est un âge bienvenu à la fois parce qu’il a déjà existé comme âge politique d’entrée en retraite et parce que c’est un âge où le risque d’être licencié, la difficulté de retrouver un emploi est le plus grand. C’est aussi un âge où l’on a fait le tour de son métier, on a une expérience professionnelle et soit on s’ennuie, soit on est exaspéré de la tournure mortifère que le management impose à un travail que pourtant on aime, mais le salaire étant lié au poste de travail, on n’a pas d’autre choix que de rester… Donc, la proposition est de généraliser la libération vis-à-vis du marché du travail, avec un salaire jusqu’à la mort, à 50 ans. Ce salaire devrait être au moins le salaire moyen (2 300 euros net aujourd’hui), et plafonné par exemple à 5000 euros net par mois. L’idée est donc qu’à 50 ans, tout le monde perçoit son salaire, porté à 2 300 euros au moins et plafonné à 5000, comme un attribut de la personne, un droit politique, avec une progression possible par des épreuves de qualification (dans la limite de 5000 euros) jusqu’à la mort. Notez qu’on supprime dans le calcul de la pension la référence aux annuités : la retraite n’est pas une entrée dans l’inactivité mais l’entrée dans une activité enfin dotée pour toutes et tous d’un salaire à la qualification personnelle, et la contrepartie en valeur de la pension des retraités repose sur l’actualité même de leur travail.
Cette proposition s’attaque, en termes de droit comme de responsabilité, au fait majeur que, dans le capitalisme, le travail productif est extérieur aux personnes : elles n’ont pas le droit d’être reconnues comme productives en tant que personnes et elles n’ont aucune responsabilité sur le travail productif, monopole de la bourgeoisie capitaliste. Examinons la proposition d’un régime unique de droit politique au salaire à 50 ans de ce double point de vue du droit et de la responsabilité.
Du point de vue du droit tout d’abord : répétons-le, la valeur anthropologique du travail n’est pas seulement de faire des choses utiles mais aussi de créer de la valeur économique. L’amputer de cette dimension, en instituant la fin du travail productif à la retraite, c’est exercer la même violence sociale – au nom de l’âge – que celle qui est faite traditionnellement au nom du genre (les femmes « utiles mais non productives »). Poser les retraités comme travailleurs, récuser la légitimité d’un temps « après le travail » est décisif pour rendre illégitime le fait qu’il y ait un temps adulte « avant le travail », ce funeste temps d’insertion qui interdit l’accès au salaire à la qualification avant 35 voire 40 ans. La lutte contre l’insertion suppose une lutte contre la retraite entendue comme moment d’exclusion du travail. Il faut conquérir un droit politique à la qualification dès 18 ans, et son institution à 50 ans à l’occasion du conflit sur la retraite est une étape de cette conquête. La majorité politique, sauf à tomber en déshérence comme tant de symptômes en témoignent, doit s’enrichir de la conquête de la majorité économique. Conquérir le droit politique au salaire, c’est instituer que nous sommes des producteurs à 18 ans et que notre contribution n’est pas mesurée par le travail concret que nous sommes en train de faire, comme tente de le réimposer la contre-révolution capitaliste du travail contre la conquête en cours d’un salaire à la qualification personnelle qui ne pourra s’affirmer qu’en se généralisant à tous les adultes. Comme l’exprime bien l’abstraction de la qualification qui caractérise le salaire tel que la CGT a su l’inventer au siècle dernier, la production de richesses dans le travail concret ne se confond pas avec la production de valeur. Poser tout adulte comme producteur en attribuant à 18 ans le premier niveau de qualification (et donc de salaire) comme droit politique ne transforme pas toutes les activités en production (c’est au contraire la condition pour que des activités soient possibles en étant tenues loin de la valeur). Mais c’est poser que la citoyenneté a comme première responsabilité celle de la production de valeur. Etre citoyen dans un mode production communiste en cours de construction, ça n’est pas payer des impôts comme dans la démocratie bourgeoise, c’est exercer sa co-responsabilité de la production.
J’en arrive donc au second point, la cohérence de la proposition d’un régime unique de droit politique au salaire à 50 ans avec la nécessaire conquête de la responsabilité populaire du travail productif, contre le monopole de la bourgeoisie en la matière. Ces retraités qui, à 50 ans, disposeront de leur salaire comme d’un droit politique, de deux choses l’une : soit ils perduraient faute de mieux dans leur entreprise ou leur service public et vont enfin pouvoir les quitter, soit ils entendent y rester.
Dans le premier cas, il s’agit qu’un service public de la qualification (succédant au service public de l’emploi) encourage leur entrée dans les entreprises alternatives, qu’une jeunesse dissidente met en place pour ne pas produire des merdes pour le capital. Ces entreprises sont aujourd’hui très nombreuses et, bien sûr, menacées de marginalisation. Si les 50 ans et plus apportent leur savoir-faire, ils vont contribuer à leur viabilité économique, charge à ces entreprises (dont la valeur ajoutée va augmenter sans qu’elles aient à payer ces retraités), de payer des cotisations qui vont alimenter le dispositif. D’une part cela permettra de rendre crédible, désirable, un système dans lequel ce n’est pas l’entreprise qui paie « ses » salariés : elle cotise et la caisse interprofessionnelle des salaires paie les salaires. D’autre part cette responsabilité des retraités va dynamiser le secteur communiste de la production (celui où les travailleurs sont les maîtres de la production). Avoir des activités productives choisies en confirmant la puissance des entreprises alternatives telles qu’elles fleurissent aujourd’hui, c’est tout à fait autre chose que la logique marginalisante du bénévolat dans lequel sont confinés des retraités définis comme improductifs !
Dans le second cas, celui des retraités qui entendent rester dans l’organisation où ils sont, il faudrait qu’ils y disposent d’une protection juridique comme les délégués syndicaux aujourd’hui, contre le licenciement, et qu’ils aient la responsabilité de l’auto-organisation des travailleurs. Que collectivement et avec les syndicats, ils engagent la bataille contre les cadres-dirigeants, pour l’organisation par les travailleurs du travail concret. Il faut pour cette responsabilité des salariés d’expérience, qui connaissent les rouages des services et entreprises, et protégés (par le fait d’être dotés de leur salaire et non licenciables). On ne peut pas indéfiniment attendre. Les entreprises alternatives ne sont pas les seules porteuses d’une production communiste. Dans les grandes entreprises, dans les grands services publics prisonniers d’un mode de gestion capitaliste, les travailleurs doivent conquérir la responsabilité de l’auto-organisation. Il faut que le syndicalisme ait les outils d’une bataille frontale contre les directions d’entreprise, contre les gestionnaires. Le prochain conflit sur les retraites peut être l’occasion de la conquête d’un de ces outils : la responsabilité d’auto-organisation du travail confiée à des cinquantenaires titulaires de leur salaire et en situation de salariés protégés.
Résumons sous la forme d’articles d’une loi à faire voter en 2020 :
1. toute personne de 50 ans, qu’elle soit employée, indépendante, chômeuse, invalide, inactive, devient titulaire de sa qualification et donc de son meilleur salaire, porté au salaire moyen s’il est inférieur et plafonné à 5000 euros net par mois s’il est supérieur ;
2. ce salaire lui est acquis et peut progresser (dans la limite du salaire plafond) par épreuves de qualification jusqu’à sa mort ;
3. l’assiette des cotisations retraite est la valeur ajoutée ; le taux unique interprofessionnel est fixé de sorte que la caisse des pensions puisse se substituer aux entreprises pour le versement des salaires des retraités ;
4. les retraités sont des salariés protégés, chargés, en lien avec les syndicats, de l’auto-organisation du travail sur les lieux de travail.