La retraite universelle de SUD énergie

01/02/2020     ROMAIN CASTA

    La retraite universelle de SUD énergie

    Dans la bataille sur les retraites, nous manquons cruellement de propositions offensives. SUD energie en fait une, qui peut être un support pour se poser collectivement des questions politiques fondamentales au sujet des retraites. Car pour les retraites comme pour les autres branches de la sécurité sociale (assurance maladie, assurance chômage, allocations familiales), il faut attaquer sur les questions politiques: A quel âge les travailleurs/ses pourront partir à la retraite, c’est-à-dire se libérer du marché du travail et des employeurs ? (SUD Energie dit 60 ans) Quel salaire de retraite toucheront-t-ils/elles ? (SUD Energie dit 2000€/mois).

    Si nous ne voulons pas être en permanence sur la défensive face aux capitalistes, ces questions doivent être posées bien avant les questions comptables qu’ils cherchent à imposer pour cadenacer notre imaginaire politique (vieillisement de la populaition, les retraites coutent chers, moins d’actifs etc …).

    Repartons à l’offensive ! Les travailleurs/ses imaginent des droits nouveaux (retraite à 55 ans, minimum 2000€ etc …), les obtiennent par la lutte puis ils/elles les financent par des augmentations de cotisations sociales pris sur les profits des employeurs/actionnaires, c’est comme cela que ce sont gagnées les grandes victoires de la sécurité sociale et nous allons nous battrons pour en gagner d’autres.

    Néanmoins, cette proposition contourne la question fondamentale de la place des retraité.e.s dans l’économie, dans la production, dans nos vies et derrière cela la question du statut du retraité.e.s. Si nous continuons à considérer le/la retraité.e comme un.e ancien.ne travailleur/se inactif/ive dont il faut être solidaire parce que incapable de vivre, exister, produire; nous serons incapable de remporter la bataille idéologique qui nous permettra d’étendre massivement le salaire à vie des retraité.e.s à une plus grande part de la population et de l’économie et ainsi s’en servir comme tremplin radical contre le capitalisme.

    On vous laisse découvrir la proposition de SUD Energie ci-dessous et juste en-dessous, on expliquera les choses qui nous plaisent et celles qui nous plaisent moins (surtout lisez la suite parce qu’on est pas d’accord sur tout).


    La proposition de SUD Energie

    Retraite universelle: un système réellement solidaire et juste


    A l’heure où le gouvernement voudrait résumer le débat sur les retraites à son projet régressif ou le statu quo, nous soumettons au débat une alternative : une retraite universelle, égale pour tous.


    Le principe :


    Passer d’une logique contributive (ou assurantielle), où chacun touche une retraite dépendant de ce qu’il a cotisé, à une logique de solidarité où la retraite devient un droit universel, au même titre que l’accès à l’Education ou la Santé. La retraite universelle serait versée à toutes les personnes à partir d’un certain âge, à débattre (par exemple 60 ans, avec des départs anticipés pour les métiers pénibles), sans condition de durée de cotisation. Les débats actuels montrent en effet que finalement, on en vient à admettre qu’il est normal d’intégrer dans la durée de cotisation les années de travail, mais aussi de temps partiel, de chômage, de maladie, de maternité et congé parental d’éducation et même d’études … enfin finalement toutes les périodes de la vie d’adulte.


    Le montant de la retraite serait le même pour tous, quel que soit le niveau de rémunération perçu et de cotisation versée durant sa vie active. Ce principe, qui existe déjà pour les services publics ou la santé (chacun bénéficie des mêmes prestations quel que soit son niveau de cotisation, sans que personne ne se sente lésé), se justifie par plusieurs éléments :


    • Il permettrait de ne pas reproduire, dans un système financé par la solidarité, les inégalités du monde du travail.
    • Les arguments qui justifient les écarts de rémunération du travail – sur lesquels il y aurait beaucoup à redire par ailleurs – ne peuvent plus être invoqués pour la retraite : pas de loi de l’offre et de la demande qui tienne,  justifiant  la sur-rémunération de « compétences rares » ; pas d’écarts de temps de travail, de niveau d’implication ou d’efficacité, ou de niveau de risques associés à telle ou telle carrière. La « nécessité » de motiver les salariés à travailler plus ou mieux par une incitation salariale ne tient plus non plus.

    Bien sûr, certains pourraient nous opposer qu’il faut commencer par réduire les inégalités salariales, et que cela règlera mécaniquement les inégalités de retraite. C’est vrai, et rien n’interdit de le faire en parallèle. Mais ce sera plus compliqué car des oppositions comme celles décrites ci-dessus vont apparaître. Et les salaires sont pour partie à la main des employeurs, dépendent de la santé financière des entreprises, etc. Il n’est pas besoin d’attendre cette réduction des inégalités salariales pour adopter un système de retraites juste.


    Quelle pourrait être son montant ?


    D’après les calculs d’économistes en 2010, le revenu disponible par adulte, en France, était de 2 100 € . Réévalué avec le PIB de 2018, ce montant s’élève à près de 2 500 € par adulte. En réservant une partie pour des revenus de l’épargne et pour l’amélioration des services publics, la retraite universelle pourrait donc se situer autour de 2 000 € net mensuel.


    Un système universel, transparent, équilibré


    Ce système serait totalement lisible, universel, sans calculs compliqués de durée de cotisation, de trimestres validés, de points et de salaire de référence. Pas de mauvaises surprises. Il serait équilibré, par construction, en imposant comme règle de consacrer aux retraites la part du PIB correspondant à la part des retraités dans la population.


    Les gens ne sont pas prêts, c’est inacceptable ?


    C’est généralement la réponse aux propositions en rupture. Mais il est impossible de le savoir sans avoir mené le débat. - Cela parait-il plus acceptable de contraindre les gens à travailler jusqu’à 67 ans ou plus, bien au-delà de l’espérance de vie en bonne santé, alors que des millions de chômeurs attendent du travail ? - Pourquoi les inégalités de retraite entre hommes et femmes nous choquent-elles tant, à juste titre, mais pas les inégalités entre classes sociales, pourtant bien plus importantes et pas plus justifiables ? - Plus de 75% des retraités gagnerait plus, à titre individuel, que dans le système actuel.


    Même pour les 25% dont la retraite baisserait, ils gagneraient en sécurité


    Cette retraite, si elle est associée à un service public de la dépendance permettant à chacun d’accéder à des établissements de prise en charge de la vieillesse et de la dépendance, offrira à tous la sécurité financière. La sécurité de savoir qu’à 60 ans, quels que soient les aléas de la vie, ils auront une retraite suffisante pour vivre bien, la certitude de ne pas vieillir dans la précarité financière ou simplement l’inconfort matériel. Cette sécurité sera valable pour eux, mais aussi leurs parents, leurs enfants, leurs proches.


    Que perdront les 25% de ceux qui gagnent aujourd’hui plus de 2 000€ ? La capacité de consommer davantage ? Mais sur une planète aux ressources limitées, nous savons tous qu’il faudra se résoudre à plus de sobriété. Chacun aura les moyens de continuer à faire plaisir à ses parents, enfants et petits-enfants, mais n’aura plus la charge de subvenir à leurs besoins nécessaires, voire vitaux.


    Les 25% des retraités les plus aisés ne seraient pas prêts à baisser leur retraite pour gagner cette sécurité ? Cela vaudrait au-moins la peine d’en débattre !


    Notes:
    [1] Grande cause d’inégalité dans le système actuel, et même si d’autres traitements de la pénibilité doivent être envisagés, comme la réduction du temps de travail pour ces métiers.
    [2] A l’exception éventuelle de périodes d’inactivité choisie, qui sont de toute façon tout à fait marginales.
    [3] « Pour une Révolution fiscale », 2010, Editions du Seuil, Camille Landais, Emmanuel Saez et Thomas Piketty
    [4] Après paiement des impôts et versement des différents revenus de transfert – chômage, retraite …
    [5] A court terme, il semble difficile de supprimer cette rémunération (les retraités ont une épargne, qui leur rapporte des revenus). A plus long terme, on peut imaginer un transfert partiel de ces revenus vers le financement de services publics améliorés.
    [6] D’après la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques dépendant du Ministère des Solidarités), Juillet 2019.


    Ce qu’on en pense ?

    SUD Energie souhaite supprimer les annuités de cotisations obligatoires et créer ainsi une retraite inconditionnelle à partir d’un certain âge de départ. C’est aussi ce que propose Réseau Salariat et c’est comme ça que le régime général avait été pensé à son origine en 1946: un droit inconditionnel au salaire continué à partir d’un âge de départ.

    C’est le patronat qui a insisté pour introduire des annuités d’emploi obligatoires (une période de soumission obligatoire à son autorité) pour pouvoir partir et ainsi réduire ce droit à vivre sans employeur et en-dehors du marché du travail à partir d’un certain âge. En développant ces restrictions les capitalistes ont réussi à imposer en partie leur logique de pensée contributive (le “j’ai cotisé, j’ai droit”) y compris dans nos esprits les plus progressistes. Battons-nous pour un départ à taux plein sans conditions ni d’annuités, ni de cotisations.

    La question du montant ... ou encore ... le/la retraité.e comme travailleur/se ou ancien.ne travailleur/se ?

    SUD energie propose une retraite universelle à 2000€/mois, là où Réseau Salariat revendique une continuité du salaire mais avec un minimum de 2300€/mois et un maximum à 5000€/mois.

    Pourquoi conserver en partie les inégalités à travers cette continuité du salaire ?

    C’est une grande question qui traverse Réseau Salariat. Le régime général s’est créé autour de cette continuité du salaire, en revendiquant que le salaire soit attaché au travailleur/se et non plus au poste de travail. C’est ce qui explique que les pensions de retraites soient calculées en pourcentage des derniers salaires. C’est le fameux taux, qui pour les travailleurs/ses créateurs/trices de la sécurité sociale devaient atteindre 100%. Cela explique également le principe de continuité du salaire entre deux emplois qui continue à prévaloir (malgré les attaques) pour l’assurance chômage.

    Cette continuité du salaire a aussi été à la base du statut de la fonction publique où les salaires sont attachés aux personnes des fonctionnaires. Une professeure agrégée de grade X sera payée la même chose (hors primes) qu’elle enseigne à l’université ou en seconde technique, ou si elle est détachée dans un rectorat pour faire du travail administratif. Et c’est aussi à la base du statut des électricien.ne.s/gazier.e.s ou de la SNCF, leurs salaires sont attachés à leurs personnes.

    Revendiquer la continuité du salaire (en partie ou en totalité), ça permet de s’appuyer sur cette histoire de la sécurité sociale.

    SUD energie ne semble pas se poser la question du travail des retraité.e.s. Apparemment pour les retraité.e.s: pas de loi de l’offre et de la demande; pas d’écarts de temps de travail, de niveau d’implication ou d’efficacité, ou de niveau de risques. La « nécessité » de motiver les salariés à travailler plus ou mieux par une incitation salariale ne tient plus non plus. On a l’impression qu’ils/elles ne travaillent plus, or ils/elles travaillent mais ils/elles n’ont plus d’employeurs et c’est très différent. Les retraité.e.s travaillent bien sure et énormément, il suffit parmi une infinité d’exemples de penser aux retraités qui s’impliquent dans des associations sportives entrainant gratuitement - puisque payer par leurs retraites - les footballeurs/ses le mercredi après-midi, ou à ceux/celles qui gardent leurs petit-enfants ou viennent en aident aux migrant.e.s pourchassé.e.s par la police, gratuitement encore puisque payer par leurs retraites, ou encore à ceux/celles défendant des travailleurs/ses aux prudhommes.

    Si on part du principe que les retraites travaillent alors oui il y a des écarts de pénibilités, de temps de travail, de niveau de risques, d’offres et de demandes, qu’il va falloir gérer. L’une des possibilités c’est d’utiliser des différences de salaires, c’est-à-dire des différences dans les pensions de retraites, mais ce n’est pas la seule option possible et ce n’est même peut être pas nécessaire.

    La place du retraité dans la sphère économique: une question oubliée du syndicalisme

    On voit peut être mieux maintenant la lacune pour nous de cette proposition, il y a des questions fondamentales qui ne sont pas posé.e.s: Qu’est-ce qu’un.e retraité.e ? Quelle est sa place dans la sphère économique ? SUD énergie semble ignorer totalement la contribution essentielle des retraité.e.s à la production, pour nous les retraité.e.s travaillent/produisent massivement et sans les capitalistes pour leur donner des ordres. Leur contribution est essentielle et peut s’étendre massivement pour servir de tremplin à la réappropriation de la production (voir Dossier Journal Offensive) et arracher aux capitalistes des pans entiers de celle-ci.

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