Atelier d'échange et de discussion sur les questions du bénévolat et du salariat
14:00
Bruxelles
Catégories | Formation Rencontre |
Intervenants | Bernard Friot |
Organisateurs | Cinéma Nova Radio Panik Cercle du Laveu Capitane Records Boom Café |
Bernard Friot est économiste et sociologue du travail. Il travaille beaucoup sur la sécurité sociale et les retraites. Il est porteur, avec l’association d’éducation populaire Réseau Salariat, de la proposition de “salaire à vie” ou “salaire à la qualification personnelle”, qui invite à nous libérer du marché du travail et à créer la valeur économique sans employeurs ni prêteurs. Une proposition très différente du “revenu universel” (dans lequel il voit une “roue de secours du capitalisme”), notamment en ce qu’elle s’accompagne de “l’appropriation collective des moyens de production (aussi bien industriel que sanitaire, culturel, éducatif…)”.
Ce 8 octobre (à 20h), Bernard Friot sera au Nova pour donner sa conférence gesticulée intitulée “Je veux décider du travail jusqu’à ma mort”.
A 14h, il sera présent pour un atelier d’échange et de discussion sur les questions du bénévolat et du salariat pour alimenter les réflexions que nous avons autour de nos pratiques collectives de travail et de production culturelles alternatives, tant au sein du Nova que d’autres initiatives que nous avons invitées pour l’occasion (Radio Panik, Cercle du Laveu, Capitane Records, Boom Café…). Le lien entre ces initiatives demanderait à êtr davantage approfondi, mais elles ont en commun de s’inscrire dans des projets culturels de longue haleine où la tension existe entre bénévolat et salariat, sans pour autant que le terme de “militantes” puisse suffire à les définir.
Au Nova, le bénévolat s’est imposé au départ comme seul moyen d’initier un cinéma proposant une programmation non rentable, dans un esprit d’éducation populaire plutôt que de profit, qui à ses débuts n’était pas subventionné et dont l’existence était déterminée par le prêt d’une salle de manière précaire. Au fil des ans, l’occupation précaire s’est consolidée, les subsides sont arrivés petit à petit, tandis que l’équipe est devenue un collectif qui a développé une culture d’autogestion. Lorsqu’il est devenu possible de salarier des gens, le Nova a donc choisi de ne pas le faire, non pas par opposition au principe de rémunérer le travail, ni en considérant que l’activité menée ne représente pas un véritable travail, mais parce qu’il n’aurait été possible de payer plus qu’une ou deux personnes, ce qui aurait signifié “professionnaliser” quelques permanents, laisser dans leurs mains une grande part de l’information et des décisions, la défense de l’emploi devenir plus importante que l’objet social, bref, s’instituer au mauvais sens du terme et tuer la dimension collective et autogestionnaire. Refuser le salariat était rendu possible par le fait que nombre d’entre nous bénéficions du chômage ou travaillions “à côté”.
Au bout de quelques années, un poste salarié a toutefois été créé pour pour des tâches de gestion financière devenues pratiquement impossibles à gérer bénévolement. La personne qui rempli ces tâches a bien sûr été choisie pour ses compétences, mais aussi en fonction du principe qu’elle est “extérieure” à l’équipe bénévole.
Quelques années plus tard, c’est l’octroi d’une reconnaissance dans le secteur de l’Éducation permanente (une subvention récurrente dont environ 60% doit être consacrée à de l’emploi) qui a obligé le Nova à consacrer un volume d’emploi plus conséquent. Pour obtenir cette reconnaissance tout en maintenant sa gestion horizontale et collective, le Nova a mis en place un système de postes tournants, qui permet de partager la rémunération et les contrats en interne entre les bénévoles les plus actifs (“noyau dur”, c’est-à-dire noyau mouvant et donc pas fermé) et d’en faire ponctuellement des “bénévoles rémunérés”. A l’inverse du salariat, le principe de tournante vise à ne pas personnaliser un “poste”, à ne pas créer de hiérarchie entre bénévoles et bénévoles/employés (l’idée est de soutenir le collectif, pas de le remplacer), à partager les savoirs au sein de l’équipe, à ne pas créer trop de dépendance par rapport à certaines sources de financement…
Si ce système a fait ses preuves à différents niveaux (il est en place depuis une quinzaine d’années et a évolué à plusieurs reprises), il n’est pas sans faille et sans travers - il est notamment synonyme d’un certain travail bureaucratique nécessaire à le rendre compatible avec des subsides octroyés pour “créer des emplois permanents”.
Par ailleurs, le contexte économique dans lequel nous évoluons s’est profondément modifié en quelques années : disparition du droit au chômage à durée indéterminée, pressions et contrôles accrus sur les chômeurs, dégressivité des allocations de chômages, rétrécissement du statut d’artiste, coût de la vie et loyers qui montent en flèche,… toute une série de facteurs qui limitent fortement la capacité à s’investir bénévolement aujourd’hui dans un lieu (comment subsister si on n’est pas rémunéré ?), ce qui implique aussi un manque de brassage social au sein du collectif.
Ce qui nous mène aux questions que nous posons pour lancer cet atelier (elles peuvent bien sûr être reformulées et complétées d’ici là par d’autres expériences que le Nova) :
• Comment poursuivre dans ce contexte des fonctionnements collectifs alternatifs au salariat ?
• Comment les imposer et les faire soutenir par des pouvoirs publics qui y voient soit des croche-pieds au “plein emploi”, soit le signe d’une absence “d’efficacité” et d’identification de responsables bien définis ?
• Comment y joindre la revendication d’une sécurité sociale pour ce qui, même sans être payé, relève d’un véritable travail, créateur de valeur ?
• Avec qui s’allier autour de ces questions et comment sortir des revendications sectorielles, alors que ces questions dépassent de loin le secteur culturel et interrogent l’organisation du travail et du salariat dans notre société capitaliste (fonctionnaires, parents, étudiant.es, retraité.es, chômeur.e.s…) ?
• Comment continuer à coexister et collaborer avec des structures salariées qui ont parfois du mal à comprendre et accepter ce fonctionnement, même quand elles évoluent dans le même secteur d’activité, et quel terme utiliser pour définir nos pratiques plutôt que celui de “bénévolat” (connoté notamment par une action de type caritatif) ?